COMBIEN /COMMENT TU M'AIMES

 Je suis en train de lire une critique du Lear mes par Ostermeier et je tombe sur cette phrase:

"Avec la grâce qu’on lui connaît, Denis Podalydès porte cet homme que l’âge rend malicieux et égocentrique, dont la robe trop grande flotte au gré de ses trépignements et qui partage son royaume comme un enfant prête ses jouets."

E​t cela fait écho à cette soirée mémorable autour d'une pizza qui nous a réunit Claude, Benoit, Nadia, Aline et moi.
Nos tergiversations autour d'un possible prologue où il y aurait des jouets: un ballon-globe terrestre, un château de sable et un grand lit sur lequel ou autour duquel joueraient le roi et ses trois petites filles, enfants.  ​

Nous avions parlé de la relation particulière de ce père, omniprésent, trop proche, envers ses 3 filles et cette mère absente, semble-t-il depuis très longtemps. Ce père qui demande: "combien tu m'aimes" devant des maris... muets ! (qui ont perdu la langue: ce "membre" qui énonce le désir) et son immense fureur lorsque sa cadette lui répond tout simplement: "je t'aime comme une fille DOIT aimer son père, pas comme une femme aime son mari". Cela lui est si insupportable qu'il la renie et... on connaît la terrible suite.

Alors nous prenons conscience que le "raconte-moi combien/comment tu m'aimes" parle bien d'amour au sens fort du terme et non pas "d'amour filial", mais bien de cette relation incestueuse qu'il impose ? joue ? depuis combien de temps ? avec ses filles...
D'où l'idée du lit.

​La suite nous raconte que les deux soeurs, bien que répondant au DÉSIR de leur père, dans la 1ère scène, lui servant ce qu'il rêve et fantasme d'entendre: "je t'aime", révèlera qu'elles sont incapables d'amour filial, au contraire de la cadette, qui a eu la clairvoyance et le courage de remettre le père à sa place, ce jour-là, et pas n'importe quel jour: le jour de son mariage, en désignant la différence qu'il y a entre l'amour et l'amour filial. 
Cordélia est celle qui pose l'interdit de l'inceste et ce, en des termes clairs, précis,  pédagogique, comme une mère pourrait le faire à son enfant. Ici, Lear. 

Le père est sourd à cette distinction. Pire: il persiste dans son erreur, sa FAUTE ou son HYBRIS: pour lui, c'est la même chose, s'enfonçant encore plus dans cette relation incestueuse: il couchera chez l'une et chez l'autre, alternativement.
Cordélia est celle qui dira à son père: "je t'aime papa, mais pas de près. Je ne coucherai qu'avec mon mari".

"Garde, conserve ta maison !" avons-nous envie de dire à Lear 
Le Fou, lui, préviendra: "Garde ta tête couverte ! sinon gare à ta queue !"

Mais le toit (la maison) qui couvrait la tête (la raison) de Lear, celui-ci s'en est défait, jetant sa couronne à ses deux filles et la divisant et la brisant en deux...
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Alors je me dis que ce prologue pourrait être beau... à voir... mais pas évident.... ce roi avec ces jouets... et ses 3 filles